Steven Maijoor (ESMA) : rendre les marchés plus sûrs
L’Autorité européenne des marchés financiers travaille de concert avec les autorités nationales compétentes telles que la CSSF. Entretien avec Steven Maijoor, président de l’ESMA depuis 2011.
​
Pourriez-vous décrire la mission de l’ESMA ?
​
Les services financiers ayant une incidence significative sur les investisseurs, l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) prévoit dans sa réglementation l’objectif spécifique d’assurer la protection des investisseurs. Elle s’engage à le faire à l’aide des divers outils à sa disposition. Nous le faisons en coopération avec les autorités nationales de chaque État membre, en veillant à ce que les règles qui régissent la conduite des entreprises qui vendent des instruments financiers ou conseillent leurs clients en la matière soient appliquées de façon uniforme et cohérente dans l’ensemble de l’UE. Les entreprises se doivent de traiter leurs clients de manière juste et transparente, et de placer les intérêts de ceux-ci au centre de leur modèle économique et de leur culture d’entreprise. Entrée en vigueur en début d’année, la directive MiFID II renforce la protection des investisseurs en introduisant de nouvelles exigences en matière de gouvernance des produits et de conseil en investissement indépendant. Elle confère également à l’ESMA des pouvoirs d’intervention sur les produits dans l’ensemble de l’UE, que nous avons exercés pour la première fois le 1er juin au sujet de la fourniture de contrats sur différence et d’options binaires pour les investisseurs particuliers. Outre la protection des investisseurs, les deux autres objectifs principaux de l’ESMA consistent à garantir des marchés ordonnés ainsi que la stabilité des marchés financiers. C’est la raison pour laquelle l’ESMA identifie et évalue, à un stade précoce, les tendances, les vulnérabilités et les risques potentiels dans les pays et les secteurs. Une attention particulière se porte à tout risque systémique posé par les acteurs du marché financier ou en lien avec l’innovation financière, et susceptible d’entraver le fonctionnement du système financier ou de l’économie réelle.
​
"Toutes les décisions politiques de l’ESMA résultent d’une approche collaborative entre les autorités nationales compétentes. "
Après une période de sous-réglementation, voyez-vous un risque de surrèglementation en Europe ?
​
Une fois les enseignements de la crise financière examinés, je pense qu’il était, et qu’il reste important de superviser les agences de notation et que le trading de produits dérivés soit plus transparent. Ceci afin de favoriser un meilleur suivi du risque sectoriel et systémique, tant au niveau régional que mondial. Il a certes fallu du temps pour régler ces questions à l’échelle mondiale et au sein de l’UE, à l’aide de nouveaux règlements, mais les marchés plus sûrs et plus transparents qui en résultent constituent un bien commun pour le bénéfice de tous les investisseurs. Naturellement, toute nouvelle réglementation represente un coût et il reste normal que lorsque de nouvelles règles sont mises en œuvre, des voix s’élèvent pour protester contre ces réglementations trop nombreuses et trop détaillées. Pour autant, je pense que les changements institutionnels et réglementaires mis en place par l’UE au lendemain de la crise restaient nécessaires et que nous devons à présent observer ce que ces changements donneront dans le temps. Le modèle européen dispose d’une flexibilité inhérente - via des examens réguliers - pour adapter ses règles si besoin. L’un des principaux objectifs demeure la convergence réglementaire, tant au sein de l’UE que dans le monde. Les marchés financiers s’étendent globalement et nécessitent des règles comparables à l’échelle mondiale. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos homologues internationaux dans des domaines d’intérêt commun pour régler tout conflit potentiel ou conséquences imprévues. L’accord global du G20 a impulsé la majeure partie de la réglementation actuelle, tandis qu’une grande partie fut également établie au niveau de l’IOSCO, les principaux marchés s’étant engagés à suivre la même trajectoire réglementaire. Autre enseignement tiré de la crise : l’arbitrage réglementaire peut avoir des effets néfastes. Par conséquent, l’Europe investi beaucoup pour améliorer la cohérence au sein de l’Union. Les autorités de supervision européennes telles que l’ESMA y jouent un rôle essentiel qui prend encore plus d’importance avec le Brexit. Les marchés financiers demeurent des marchés concurrentiels alimentés par l’innovation. En tant que régulateurs, nous nous engageons à garantir que les mêmes règles de base s’appliquent, peu importe où vous investissez, pour ainsi protéger les investisseurs contre les risques indus.
​
Comment l’ESMA interagit-elle avec un régulateur financier national comme la CSSF ?
L’ESMA collabore étroitement avec toutes les autorités nationales compétentes, telles que la CSSF. Claude Marx est membre du conseil des superviseurs de l’ESMA aux côtés des 27 autres responsables des autorités nationales de surveillance des marchés financiers. Cependant, ce que beaucoup de gens ignorent peut-être reste la coopération permanente sur les questions quotidiennes : le personnel des autorités nationales - dont la CSSF - est en effet représenté et engagé dans le développement du travail technique de l’ESMA par le biais de ses comités permanents, groupes de travail ou task forces. Notre structure de travail fait en sorte que toutes les décisions politiques de l’ESMA résultent d’une approche collaborative entre les autorités nationales compétentes, finalement prises et adoptées par le conseil des superviseurs. Cette approche collaborative reste également essentielle pour obtenir une culture commune de la supervision entre les régulateurs nationaux.