João Carlos : Faire face à la maladie mentale dans un monde post-Covid
"Chaque image représente une semaine d'isolement et les émotions qu'elle a générées", explique le photographe Joao Carlos à propos de sa série : "Stages of isolation". Son exposition s’est tenue à l'hôpital du Kirchberg.
Pouvez-vous décrire votre parcours en quelques mots ?
Je suis né à New York de parents portugais. Ces deux cultures m'ont imprégné tout au long de mon parcours. D'aussi loin que je me souvienne, la photographie a toujours occupé une place importante dans ma vie. Quand j'avais six ans, j'ai demandé un appareil photo à mes parents, ils m'en ont donné un jetable, il ne disposait pas de flash, alors je l'ai rendu et j'ai demandé un « vrai » appareil photo. Six ans plus tard, je tournais mon premier film d’horreur et de science-fiction. Plus tard, j'ai étudié la peinture et la photographie au Visual Communication Art Center (ar. co) au Portugal. Ensuite j'ai travaillé avec de grandes marques comme TAG Heuer et Nike, avec des magazines comme Elle ou plus récemment, Forbes. Depuis le début de la pandémie, je me suis recentré sur mes productions personnelles et artistiques. Parallèlement, j'ai continué à travailler à l'international, par exemple en photographiant les chefs d'États membres de l'UE pour le Sommet social de Porto.
« En exposant dans un hôpital, un plus grand nombre a pu être sensibilisé à l'impact de la pandémie sur la santé mentale », João Carlos
Quelle a été votre inspiration pour cette série ?
En mars 2020, alors que je revenais d'un voyage en Italie et en Slovaquie, j'ai rendu visite à mon père pour son anniversaire. Ce qui devait être une simple visite s'est transformé en un séjour de 4 mois, en confinement chez mes parents, sans matériel photo. Je n'avais pas passé autant de temps avec mes parents depuis plus de 20 ans et j'ai observé leurs différentes réactions pendant cette période. Quant à mon travail, tout s'est arrêté brusquement : tous mes rendez-vous ont été annulés et je n'ai pas obtenu de contrat pendant plus de 5 mois. En un an, j'ai perdu 85% de mes revenus. De retour en studio, j'ai capitalisé sur la peur que je ressentais et ai commencé à travailler sur la série "Stages of Isolation" avec deux amis mannequins. Chacun avec une expression différente et une gamme d'émotions que je voulais exprimer. Chaque image de la série représente une semaine d'isolement et les émotions qu'elle a générées. Toutes les photos ont été prises en moins de deux heures et sans équipe. Il n'y avait que moi et le mannequin, Rodrigo Castelhano. Le choix de la nudité s'explique par le fait que je ne voulais pas que les vêtements interfèrent dans la transmission des émotions.
Comment votre travail a-t-il été reçu par le public ?
Les visiteurs s'identifient facilement à cette exposition, car elle traite du sujet de la santé mentale mise à mal par la pandémie. Nous avons tous ressenti au moins une des émotions exprimées par chaque image, peu importe notre âge ou nos origines. J'ai également créé des dômes de verre, dans lesquels les images apparaissent en trois dimensions. Chacune des deux expositions au Portugal avait une configuration particulière ; celle du Luxembourg avait cette particularité de se tenir dans un hôpital, sur un seul long mur. En exposant dans un hôpital, le plus grand nombre pouvait y accéder et être sensibilisé à l'impact de la pandémie sur la santé mentale.
Comment nos sociétés traitent-elles la question de la santé mentale ?
La santé mentale reste un sujet tabou dans notre société. Pourtant, tout le monde a été touché par la pandémie et peut se connecter à différents niveaux aux émotions exprimées dans cette série. D'une certaine manière, l'exposition permet d'identifier les émotions ressenties et de les accepter car des mois plus tard, le malaise est toujours présent. Nous avons tous eu tendance à nous refermer sur nous-mêmes avant d'accepter la situation. Le but de mon travail réside dans la création d’une prise de conscience, dans un soutien dans l’identification des émotions, et dans la création d’un dialogue. A travers ces images, les spectateurs peuvent comprendre qu'ils ne sont pas les seuls dans cette situation.