
Marc Giorgetti (Felix Giorgetti) : L’ avenir en chantier.
Luc Frieden avait fait de la résolution de la crise immobilière luxembourgeoise sa priorité en 2024. Plusieurs meetings plus tard, le problème reste intact, légèrement adouci par la baisse des taux. Une interview de Marc Giorgetti.
Comment analysez-vous la situation actuelle ?
J’observe avec la perspective d’un entrepreneur de troisième génération. Pour mémoire, mon arrière-grand-oncle, Achille, a fait venir mon grand-père, Eustache, pour construire le bâtiment de l’Arbed, aujourd’hui occupé par la Spuerkeess, au 19, avenue de la Liberté. La situation actuelle est très complexe. D’un côté, beaucoup de travaux d’infrastructure sont en cours – des hôpitaux, des voies ferroviaires, de grands bâtiments –, ce qui peut donner l’impression que tout va encore assez bien. Mais du côté de la construction de logements, notre pays devrait livrer 5 000 unités par an – 6 400 selon la Fondation IDEA – or nous sommes actuellement sur une tendance qui tourne autour de 500. Chaque année, l’écart se creuse entre les besoins du pays et la réalité des chantiers. Gardez à l’esprit qu’une construction qui démarre maintenant sera livrée seulement en 2027. Cela représente un problème majeur pour la croissance du Luxembourg, le logement des salariés, les systèmes de sécurité sociale et les retraites. Un sujet de grande actualité en ce moment...
Quelles solutions identifiez-vous ?
Cela ne devrait vraiment pas être pas compliqué : Si vous regardez les terrains de l’Etat, des communes, du Fonds du Kirchberg, du Fonds Belval ou les anciennes usines, vous découvrez 3 millions de mètres carrés où nous pourrions rapidement construire avec des procédures simplifiées. Je pense que nous avons besoin de mesures d’urgence pour débloquer ces chantiers avec des autorisations rapides. Ensuite, du côté des investisseurs, nous devons rendre l’immobilier à nouveau plus attractif. Si vous achetez, par exemple, une action Apple et que vous la gardez six mois, vous ne payez pas de taxes sur la plus-value. Le Luxembourg doit innover dans ce domaine pour stimuler les investissements, dans le même esprit que la loi Rau à l’époque.

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"Le Luxembourg doit innover dans le même esprit que la loi Rau à l’époque, par exmple."
Quels risques identifiez-vous si la situation dure ?
Nous devrions obtenir un petit rebond avec la baisse des taux d’intérêt, mais d’une manière générale, je pense que nous devons réaliser que des réformes s’imposent pour nous adapter aux nouveaux modes de vie. En 2025, à Luxembourg-ville, 50% des gens occupent seuls un logement. 25% habitent à deux et 25% sont plus de deux. Or les réglementations actuelles visent toujours des logements de 80-90 m2 en moyenne par lotissement. Par exemple, si vous voulez faire un studio de 40 m2, vous devez compenser avec un appartement de 140 m2. La réalité du marché, c’est que les employés des BIG4, de Ferrero ou d’Amazon cherchent des surfaces plus petites. Et évidemment, nous devons augmenter la densité comme nous avons déjà été autorisés à le faire dans le passé, dans les quartiers où cela pourrait être permis de le faire (proche des axes routiers). Le principal risque, c’est de rater la reprise ! Nous avons déjà perdu 10.000 des 60.000 employés du secteur du bâtiment en 3 ans. Quand le marché va reprendre, nous aurons du mal à retrouver rapidement la main-d’œuvre nécessaire.
Comment imaginez-vous le Luxembourg dans une génération ?
Pour savoir comment sera le Luxembourg, nous devons imaginer à quoi ressemblera l’Europe. Comment va-t-on unir 450 millions d’habitants dans le contexte économique et politique actuel ? Redynamiser l’économie européenne représente un grand défi après plusieurs décennies passées essentiellement à produire des lois et des règlements. Nous profitons tous de la qualité de vie exceptionnelle offerte par le Luxembourg : les infrastructures scolaires, culturelles, sportives… la protection sociale, les transports en commun gratuits. Parfois je suis étonné quand j’entends tellement de personnes qui rouspètent. Cela dit, pour le futur je suis optimiste car les politiques menées semblent aller dans la bonne direction. Ce qui manque parfois - en politique comme dans le monde des affaires - c’est une vision très claire et le courage nécessaire pour mener à bien les efforts ou réformes qui s’imposent. Les médias ont également leur rôle à jouer.