Pour Serge Allegrezza, directeur du STATEC (Institut national de la statistique et des études économiques du Grand-Duché de Luxembourg), préparer l'avenir financier du Luxembourg passe par la connaissance des chiffres.
Serge Allegrezza (STATEC): Préparer l'avenir financier du Luxembourg
Quel est le chiffre qui définit le Luxembourg ?
Deux chiffres résument la particularité du Luxembourg. Le premier est le revenu national brut (RNB). Dans de nombreux pays, il s'agit d'un chiffre similaire au PIB, mais au Luxembourg, le RNB est inférieur d'environ 30 %. Cela s'explique par le fait que le RNB mesure les revenus qui restent à l'intérieur des frontières du pays, alors que le Luxembourg compte un grand nombre de travailleurs transfrontaliers et de détenteurs de capitaux étrangers, qui sortent de l'argent du pays (salaires, bénéfices, intérêts). Le deuxième chiffre, que j'utilise souvent lors de réunions, est qu'environ 25 % de la main-d'œuvre sont des résidents luxembourgeois. Tous les autres employés sont des travailleurs frontaliers ou des étrangers vivant au Luxembourg, de sorte que les nationaux constituent une minorité de la main-d'œuvre. Sur ces 25%, la moitié travaille pour le secteur public. Cela montre à quel point l'économie luxembourgeoise est ouverte, mais aussi à quel point les nationaux sont peu nombreux à travailler dans le secteur privé.
"Ces actifs sont beaucoup plus importants que la dette publique, de sorte que la dette nette est actuellement négative."
Comment percevez-vous la dette du pays par rapport à sa taille ?
Lorsque l'on parle de la dette du Luxembourg, il s'agit en principe de la dette publique. Il est important de faire la distinction entre la dette publique brute et la dette publique nette. Bien sûr, le Luxembourg a soutenu les ménages et les entreprises pendant la pandémie et maintenant pendant la crise énergétique, provoquée par la guerre russe en Ukraine. Ces événements ont pesé sur les déficits publics qui ont dû être financés par des emprunts. La dette publique reste pour l'instant faible, à 25 % du PIB. Elle même négative si l'on tient compte du fait que l'État luxembourgeois possède également des actifs importants (fonds de réserve pour les retraites, participations dans de grandes entreprises, biens immobiliers). Mais à l'avenir, la dette publique augmentera probablement fortement en raison de l'augmentation des dépenses liées aux pensions et à la santé, ainsi qu’aux investissements dans le domaine du changement climatique, à moins qu'une croissance économique plus élevée (productivité + augmentation de la main-d'œuvre) ne vienne contrebalancer cette tendance.
Quels sont les risques et les opportunités que les chiffres révèlent pour le pays ?
L'un des plus grands risques actuels est le changement climatique, qui impliquera de profondes transformations dans nos modes de vie et de travail. Mais l’enjeu principal sera de rester attractif et compétitif, ouvert et innovant. Les benchmarks établis par l'Observatoire de la compétitivité du ministère de l'économie montrent que le Luxembourg peut encore s'améliorer sur de nombreux points pour atteindre l'excellence.