Sven Elverfeld (Aqua) : la mélodie du goût
A Wolfsburg, fief de Volkswagen, coule l'aller. C'est là que flotte Aqua, restaurant 3 étoiles Michelin de Sven Elverfeld, passionné et mélomane. Interview rythmée au fil de l'eau.
Comment définissez-vous votre cuisine ?
Je ne fais pas évoluer un menu mais les plats. Ils ont leur histoire propre et s’élèvent au fil du temps.
Puis nous les remplaçons lorsqu’ils arrivent Ã
maturité. Les saisons jouent bien entendu un rôle dans ce flux et j’ai une fascination pour les produits de qualité, avec une traçabilité précise. Je travaille entre autres sur des plats régionaux allemands pour lesquels j’ai développé mon réseau de producteur dans le pays. Je ne suis cependant pas sectaire : un poisson d’Espagne pourra s’immiscer dans ma carte - si la qualité est au rendez-vous - et inspirer un plat qui mettra à l’honneur d’autres produits ibériques. J’ai travaillé dans de nombreux pays ce qui m’a ouvert l’esprit. Il existe cependant une différence entre un touriste culinaire et un autre qui cherche à com-prendre les moeurs locales, à découvrir les produits et les chefs. J’ai travaillé à Kyoto, Tokyo, en Crète et au Qatar. Ces expériences ont encore un impact sur mes plats. Ils sont à la fois allemands, nippons, méditerranéens ou orientaux, à l’image de mon parcours. J’aime taquiner mes clients, les désorienter et les amener dans des recoins intrigants, différents de la norme. L’aigre-doux, le poisson-viande, les épices, le chaud-froid, le jeu des saveurs et des textures font partie de mon répertoire. Les combinaisons devant rester en harmonie.
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« Créer un menu est comme créer un album. Les chansons sont
rarement similaires. »
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Quels ont été les moteurs de votre carrière ?
Mes formations de pâtissier et de chef ont duré cinq ans. Mon but n’a jamais été de devenir célèbre ou de détenir trois étoiles, je voulais simplement être artisan. Dans les années 80, la recherche dans le secteur des pâtisseries industrielles affectait
négativement le métier et cela a motivé ma réorientation vers la cuisine. Le processus s’est
fait sereinement car j’ai toujours choisi de traduire
mes pensées au moyen de mes mains, et au service du goût. Je n’ai pas débuté ma carrière dans un restaurant étoilé car j’ai souhaité maîtriser soli-dement les bases et me construire par la suite. Les
honneurs ont suivi, mais ma connaissance des
fondamentaux - les produits, les combinaisons
- était toujours au centre de mon travail. Le goût
reste au centre de ma cuisine. La construction
d’un plat peut très vite s’oublier. Le goût vous
transportera à des moments précis de votre vie. Je porte une attention et un amour poussé aux détails et c’est d’ailleurs cette passion que je m’efforce de transmettre à mon équipe. J’aime aiguiser leur créativité en leur soumettant une idée afin de voir comment évolue leur imagination tout en respec-tant ma vision. Mes chefs ont toujours été à l’écoute et soucieux du travail en équipe. Cela fait 17 ans
que je forme des cuisiniers, et deux de mes anciens
chefs ont deux étoiles Michelin et cinq en ont
une. J’en suis très fier.
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Votre mélomanie et votre talent en cuisine se rejoignent-ils ?
Créer un menu est comme créer un album. Les
chansons sont rarement similaires. Les plats doi-vent se différencier pour garder les sens en éveil. L’expérience est plus intéressante si chaque plat (et chaque chanson) raconte une histoire différente. À 14 ans j’ai acheté ma première platine vinyles Technics. Je vivais à proximité d’une base militaire américaine et j’ai eu accès a beaucoup de vinyles importés. J’écoutais tous les genres musicaux – funk, hip-hop, new-wave, électro – peu importait le style. Mais je dois dire que Kraftwerk a joué et
continue de jouer un rôle central dans ma vie. Tout
comme dans ma cuisine je garde l’esprit ouvert.
Créer un plat, créer une chanson, je mets ces
processus à un niveau égal.