Bernard Moitessier :
l’infatigable « vagabond des mers »
Les plus grands marins contemporains se réclament de Bernard Moitessier, considéré comme le « Kérouac des mers. » Peyron, Poupon, Lamazou, Jeantot, Autissier. Autant d’enfants spirituels pour celui qui déclarait : «Il faut se battre pour ce que l'on croit... Il faut rêver… Tout ce que les hommes ont fait de bien, ils l'ont construit avec leurs rêves. »
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La mer avant tout
Né en 1925 à Hanoï, Bernard Moitessier ressent très tôt une irrépressible fascination pour la mer. Lors de ses vacances dans un village de pêcheurs du golfe de Siam, il s’embarque fréquemment sur des bateaux. À l’âge de 27 ans, muni d’instruments de navigation rudimentaires, il part en solitaire à bord d'une jonque, baptisée Marie-Thérèse. Moitessier brave la mousson pendant 85 jours mais finit par faire naufrage sur les récifs de l’île Diego Garcia, au nord de l'océan Indien. Il parvient à sauver sa vie mais pas son bateau. Rapatrié vers Maurice, il y vivra pendant trois ans, exerçant tous les métiers avant de reprendre la mer, en 1955. De retour en France, il narre ses multiples péripéties dans un livre dont les droits d'auteur lui permettront de financer la construction de Joshua, un voilier en acier de 12 mètres. L’homme ne se doute pas que ce navire va le faire entrer dans la légende.
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« Il faut se battre pour ce que l'on croit... Il faut rêver… Tout ce que les hommes ont fait de bien, ils l'ont construit avec leurs rêves. »
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« La longue route » initiatique
En 1968, le Sunday Times décide de lancer le prix Golden Globe, récompensant d’un globe en or et de 5 000 livres sterling le navigateur qui effectuera le premier tour du monde à la voile, sans escale et sans assistance. Bernard Moitessier s’aligne au départ le 23 août, quitte Plymouth, au sud-ouest de l'Angleterre et franchit le cap Horn le 5 février 1969. C’est sur la route du retour, alors qu’il fait la course en tête, qu’il décide de ne pas revenir réclamer son titre. L’idée de « partir de Plymouth pour revenir à Plymouth » lui apparaît soudain comme « partir de nulle part pour revenir nulle part. » À l’aide d’une fronde, il envoie un message sur le pont d’un cargo : « Je continue sans escale vers les îles du Pacifique, parce que je suis heureux en mer et peut-être pour sauver mon âme. » Jusqu’à la fin de ses jours, Bernard Moitessier va alors tenter de transmettre sa philosophie de vie inspirée par ce périple initiatique.
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Des textes fondateurs
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Vagabond des mers du sud, le premier ouvrage écrit par le navigateur en 1960, relate ses premières expériences de mer. Du Snark aux deux Marie-Thérèse, l’ouvrage raconte la genèse d’une passion. À l’issue de son inclassable tour du monde, Moitessier publiera, en 1971, La longue route, récit de ses 303 jours de Golden Globe. Cet hymne à l’océan et à la liberté, devenu un livre-culte, constitue aussi le journal de bord d’un périple intérieur. Celui d’un homme en quête de paix avec lui-même mais également avec le monde. En 1993, parait Tamata et l’alliance, sans doute l’œuvre de sa vie, dans laquelle il évoque à la fois son histoire de navigateur et sa conviction essentielle : l’être humain est seul maître de son destin. Ces convictions novatrices, qui font de Moitessier un précurseur en matière de protection des espèces et de l’environnement, vont contribuer à forger sa légende et à faire de lui le modèle dont se réclament aujourd’hui les plus grands navigateurs. Emporté par un cancer, en 1994, à l’âge de 69 ans, Bernard Moitessier repose dans le petit cimetière du Bono, en Bretagne. Le Joshua, retrouvé en 1989 à Seattle et restauré par deux jeunes américains, a été racheté en 1990 par le musée maritime de La Rochelle et classé monument historique. Il navigue toujours.
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