Après deux décennies en salle Jean-Georges Klein a pris le chemin des cuisines à 40 ans seulement. Interview d’un jeune chef toujours passionné, aux commandes du restaurant de la Villa Lalique, au côtés de Paul Stradner, déjà auréolée de deux macarons Michelin.
Vous travaillez en moyenne combien d’heures par jour ?
Jean-Georges Klein: Je n’ai jamais compté mais pas plus de 24 !
Combien de nouvelles idées par jour ?
Parfois j’en ai beaucoup. Et parfois n’ai rien du tout. Pour la carte, nous faisons les 4 saisons et 90 plats par an.
Vous avez commencé en cuisine à 40 ans?
Je suis resté de 20 à 40 ans en salle. Lorsque j’ai eu 30 ans, ma grand-mère n’était plus là et ma mère a eu ce problème de santé. J’aurais dû passer en cuisine mais dans une entreprise familiale, vous bouchez les trous là où ils se trouvent : chez nous, c’était en salle. En 1988, nous avons obtenu la première étoile, avec ma mère aux fourneaux. J’ai pris le chemin de la cuisine l’année suivante. Les étoiles supplémentaires sont arrivées en 1998 et en 2002. Autres dates importantes, nous avons construit l’hôtel en 2006 et j’ai quitté L'Arnsbourg en 2014 pour débuter à la villa René Lalique en septembre 2015.
« La créativité repose avant tout sur la curiosité. »
Quelles sont vos influences principales ?
En tant que chef, je revendique deux grandes influences : Pierre Gagnaire et El Bulli. Le premier m’a transmis son état d’esprit libre. Nous avions l’avantage d’avoir largement assez de clients à L'Arnsbourg. Je faisais goûter aux habitués qui m’ont encouragés à continuer sur ma voie. Nous sommes partis d’une cuisine un peu bourgeoise de dames vers une cuisine très personnelle, beaucoup plus évolutive. Pierre Gagnaire faisait des gestes, des traits sur l’assiette, si cela ne lui plaisait pas il reprenait une autre assiette pour recommencer. J’ai passé 4 jours chez Ferran pour apprendre un peu des techniques nouvelles.
Combien d’ingrédient par plat ?
L’idéal pour moi c’est d’avoir un produit essentiel – la viande, le poisson, le légume – avec au maximum deux ingrédients sinon cela devient trop complexe. Je préfère multiplier les assiettes pour éviter que le plaisir de la cuisine ne devienne trop cérébral. Le but, c’est de goûter et d’éprouver du plaisir sans se poser de questions.
Un ustensile préféré ?
Une cuillère pour m’assurer que tout le monde dans mon équipe goûte assez ! Par exemple hier, je suis parti à la recherche d’une champignonnière à Colmar et j’y ai découvert des endives. Je ne savais pas qu’elles avaient des racines longues comme ça. J’ai pensé au nouveau 3 étoiles, Laurent Petit - Le Clos des Sens à Annecy-le-Vieux - , dont la racine d’endives sont une spécialité et j’en ai ramené à mon équipe. Ils sont en train de les préparer avec quelques idées. J’ai goûté cru : c’est très amer mais j’ai hâte de voir le résultat dans l’assiette.
Est-ce qu’il existe un secret de la créativité ?
Non, je ne crois pas du tout. Je suis simplement curieux. Un jour, Hervé This a demandé à Pierre Gagnaire pourquoi il faisait ceci comme ci et cela comme ça. J’ai adoré sa réponse : « Écoute, tu m’agaces, je fais ça comme ça, voilà. » Le processus s’avère souvent intuitif. C’est un cheminement, mais l’essentiel reste le goût, toujours le goût. Une esthétique parfaite ne m’intéresse pas si on dérape au niveau du goût. Nous sommes parfaitement alignés sur ce point avec Paul.
Jean-Georges Klein : deux vies