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Le virage numérique de l’aide à la presse au Luxembourg

Longtemps favorable aux deux grands groupes de journaux, l’aide à la presse réforme son modèle. L’Etat ne pénalisera plus les publications gratuites et subventionnera même des médias diffusant dans une autre langue que le français, le luxembourgeois ou l’allemand. L’écrit et le numérique se retrouvent sur le même pied.

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Soutien historique au pluralisme

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Entre l’ancien Premier ministre Jean-Claude Juncker, lecteur passionné, collectionneur frénétique de coupures de presse, et Xavier Bettel, enfant du numérique, utilisateur assidu des réseaux sociaux, le changement de paradigme devait laisser des traces. L’aide à la promotion de la presse n’échappera pas à la tendance. Le projet a mûri pendant sept ans. Précédemment très favorable aux grands groupes de presse, Saint-Paul (Luxemburger Wort) et Editpress (Tageblatt), le régime s’élargit aux publications gratuites ou périodiques (L’Essentiel, Paperjam…) et surtout aux rédactions internet. « Soutenir à long terme un paysage médiatique varié, pluraliste et indépendant relève d’un impératif pour tout État démocratique », justifie Xavier Bettel, également ministre des Communications et des Médias. Alors que la presse écrite souffre, le mot « papier » disparaît de la future loi. 6,6 millions ont été inscrits au budget de 2021 au poste correspondant, un montant assez comparable à celui des exercices précédents. Mais une évaluation régulière aura lieu.

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"L’aide comprend deux parties, une proportionnelle de 30.000 euros par journaliste et une fixe de 200.000 euros appelée « aide à l’innovation»"

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30.000 euros par journaliste

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Créé en 1974, le modèle d’aide aux médias luxembourgeois reposait, en plus d’exigences professionnelles, sur des calculs complexes liés au volume de pages produites et à la fréquence de publication. La nouvelle loi, dont le vote est prévu au début de 2021, abolit toute considération de consommation de papier et n’exige plus le caractère payant du titre. L’aide comprend deux parties, une proportionnelle de 30.000 euros par journaliste et une fixe de 200.000 euros appelée « aide à l’innovation ». A L’Essentiel, le quotidien gratuit… et rentable, on se frotte les mains en escomptant un petit million d’euros annuel. Calcul identique du côté de Maison Moderne, éditeur notamment de Paperjam, où 25 cartes de presse sont recensées. Le groupe de Mike Koedinger se contentait jusqu’à présent de 200.000 euros au titre de l’aide à la presse en ligne. Reporter.lu, média d’information en ligne, et le Lëtzebuerger Journal, débarrassé de son édition papier, apparaissent comme autres bénéficiaires de la nouvelle formule... pour peu que leur modèle séduise.  

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Qualité à la carte

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La nouvelle donne ne pénalise pas pour autant les grands groupes, dont l’allocation maximale annuelle ne pourra toutefois dépasser 2,5 millions d’euros. Restera aussi à préciser l’«aide à l’innovation » de 200.000 euros, sur laquelle le Conseil d’Etat a prié le gouvernement de revoir sa copie. Xavier Bettel met en avant les nécessités de qualité de l’information et de lutte contre les fausses nouvelles pour reconduire ce système.  Le dispositif inclut même une aide spécifique pour les « médias citoyens ».  L’usage validera, ou non, les intentions du législateur. Assimiler l’emploi de chaque journaliste à une dotation correspondant au salaire minimum qualifié ne plaide par pour la revalorisation de la profession. La reconnaissance comme journaliste constitue le nouveau sésame de l’aide à la presse... et une responsabilité d’autant plus lourde. Il y a quelques années encore, les rédacteurs de Paperjam peinaient à se faire accepter comme tels par l’instance cornaquée par les éditeurs historiques. Les optimistes voient dans le nouveau système une incitation à la production d’information de qualité, débarrassée des contingences techniques d’antan. Les autres craignent un modèle à bas salaire, chevillé au seul internet.

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