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World Chess Championship 2016 : naissance d'un sport global?

Un reportage à New York de Jérôme Bloch à l'occasion du Championnat du Monde d'échecs entre le norvégien Magnus Carlsen - numéro 1 mondial - et Sergey Karjakin, le prodige russe.

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New York - New York

Agon limited, la société titulaire des droits de la coupe du monde d'échecs et partenaire de la Fédération Internationale d'Echecs (FIDE) n'a pas la partie facile. Elle investit lourdement en organisant le championnat du monde à New York à deux pas du Pont de Brooklyn, mais doit se battre contre trois facteurs négatif. D'abord la FIDE et son sulfureux Président - Kirsan Ilyumzhinov - fonctionne comme une sorte de FIFA - époque Sepp Blatter - en pire, ce qui explique le faible attrait que la compétition a rencontré auprès des sponsors et l'absence de superstars comme Garry Kasparov sur le site à New York. Ensuite, Agon invente un nouveau business model et doit affronter dans les différents tribunaux des sites populaires comme Chess24.com pour les empêcher de retransmettre les coups en direct et s'assurer l'exclusivité de la retransmission de l'événement, sans succès : les échecs, contrairement au football peuvent être commentés sans montrer les images des joueurs et la justice estime que "les déplacements des pièces n'appartiennent à personne!". Enfin, ce sport présente de grands problèmes au niveau de l'action. Les joueurs mettent parfois 20 minutes pour décider un coup; 10 parties sur 12 se sont soldées par un match nul; personne n'a connu le jour décisif avant la fin de la douzième partie et la partie 12 sensée être la plus dramatique s'est soldée par un non-match de quelques minutes. L'organisateur a dû offrir des billets gratuits pour le tie-break organisé 2 jours plus tard aux visiteurs ayant payé plusieurs centaines de dollars pour le précieux sésame. Carlsen - Karjakin Sur le papier, l'affiche avait tout pour plaire et elle a plu. Magnus Carlsen, le champion incontesté depuis quelques années est une superstar adulée dans son pays, la Norvège, et au-delà. Sergey Karjakin, plus jeune Grand Maître de l'histoire à l'âge de douze ans ne cache pas son admiration pour Vladimir Putin. Un affrontement qui rappelle un peu le duel des titans de 1972 en pleine guerre froide : Bobby Fischer contre Boris Spassky. Beaucoup anticipaient une partie de plaisir pour le Norvégien mais ce fut loin d'être le cas. Après sept parties nulles obtenues par le Russe au prix d'une défense souvent héroïque, Carlsen attaqua trop lors de la 8ème partie et perdit son premier point en laissant des failles dans sa défense. Il parvint à rétablir l'égalité à la 10ème partie et fila délibérément vers le tie-break. Durant les 4 parties rapides, il passe à un cheveu de la victoire à la 2ème partie mais Karjakin obtint un "pat". Egalité. Magnus semblait perdre ses nerfs : il gagna les deux parties suivantes! La marque d'un grand champion.

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"Magnus Carlsen vient de remporter 660.000 dollars alors que le dernier gagnant du World Series of Poker à Las Vegas a empoché 8 millions de dollars!"

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Prochain coup?

Agon n'a au final rien à se reprocher. Son CEO, Ilya Merenzon a un plan très clair mais vendre des abonnements vidéo payant, du merchandising et des contrats lucratifs avec des marques internationales prend du temps. C'est d'ailleurs Peter Thiel, l'entrepreneur de Paypal, facebook et Palantir qui fut invité à jouer le premier coup du dernier jour. Excellent joueur lui-même, il a écrit un livre avec Kasparov et pourrait devenir un excellent ambassadeur du jeu dans la silicon valley, voire même un investisseur. Cet événement pourrait être le premier coup d'une série permettant aux échecs de rattraper le retard pris sur d'autres sports alternatifs comme le poker ou les jeux vidéos, mais pour atteindre cet objectif, il faudra d'abord lancer deux grands chantiers: 1. Mettre en place une gouvernance digne de ce nom à la FIDE et la débarrasser des soupçons de corruption qui planent sur elle. 2. Revoir le format du championnat pour le rendre plus "prédictible". La nuée de journalistes présents à New York lors du Tie-Break a démontré que la presse veut bien envoyer un journaliste couvrir les échecs si elle a la certitude de le voir ramener une belle histoire.

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Un gagnant par jour

Une des idées phares pour développer les échecs consiste à mettre en place un format déterminant un gagnant par jour, afin de garantir à la presse et au grand public une narration palpitante du tournoi. Ainsi, il serait possible d'organiser après toute partie nulle un départage lors d'une partie rapide (25mn), puis d'un blitz (5mn) et même un Bullet (1mn) si nécessaire. Une victoire en partie classique vaudrait plus de points qu'une victoire en partie rapide, mais le public et les sponsors en auraient pour leur argent. D'autres Grands-Maîtres proposent également d'obliger les joueurs à utiliser une grande variété d'ouvertures pendant le tournoi pour éviter de voir des parties identiques se répéter. Les plus créatifs veulent rendre le jeu plus palpitant en demandant aux joueurs de deviner le prochain coup de leur adversaire, un peu comme au poker, où les spectateurs voient les cartes de joueurs. L'enjeu est de taille: Magnus Carlsen vient de remporter 660.000 dollars alors que le dernier gagnant du World Series of Poker à Las Vegas a empoché 8 millions de dollars!

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