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A une époque où la transformation est érigée au rang de vertu, un voyage à Wingen sur Moder – à 150 kilomètres de Luxembourg - permet à la fois de plonger dans l’univers éminemment versatile du cristal, de la gastronomie et du business.

 

René Lalique, le joaillier

Né en Champagne, René Lalique s’installe à son compte en 1882 et dessine pour des marques comme Boucheron ou Cartier. Il reprend un atelier de joaillerie en 1885 place Gaillon à Paris et débute une première carrière dans le bijou où il impose très vite son style dont l’inspiration se résume en 3 « F » : Femme, Flore et Faune. Il bouscule les codes de l’Art Nouveau en associant à l’or et aux pierres précieuses des matières peu utilisées à cette époque : la corne, l’ivoire, l’émail, sans oublier le verre. L’élite intellectuelle et artistique – dont Sarah Bernhardt – lui assure une reconnaissance rapide et il bénéficie du soutien de mécènes comme Calouste Sarkis Gulbenkian, un magnat du pétrole. Il atteint l’apogée de sa carrière lors de l’Exposition Universelle de Paris en 1900. Sa seconde carrière démarre, dans le verre.

« Fort de son penchant pour l’innovation et l’avant-gardisme, Il trouve dans le verre une source d’inspiration inépuisable.  »

René Lalique, le verrier

Dès 1898, René Lalique installe un atelier de verrerie à Clairefontaine. Fort de son penchant pour l’innovation et l’avant-gardisme, Il trouve dans le verre une source d’inspiration inépuisable. Là où des générations d’artisans ont focalisé leur attention sur le point de fusion et l’art du refroidissement, il concentre ses efforts sur les mille et unes manières de tailler, traiter et polir les surfaces afin de jouer avec la lumière, créer des contrastes, donner vie à des formes, tendre vers une perfection et in fine, créer des émotions avec une matière uniquement malléable lorsqu’elle est incandescente. Il rencontre en 1907 François Coty qui s’est imposé numéro un mondial du parfum en le faisant sortir des échoppes luxueuses pour en faire un produit de grande consommation vendu dans les grands magasins. Lalique va créer mais aussi produire des flacons pour ce client hors-normes et basculer progressivement dans une approche industrielle. Il achète la verrerie de Combs-la-Ville en 1913, mais le dénouement de la 1ère guerre mondiale va lui permettre d’entrer dans le business du verre, à la vitesse grand V. Pour produire du verre, tout industriel a besoin de quatre éléments : de la main d’œuvre qualifiée, du sable, de la potasse et du bois. Ces quatre éléments se retrouvent dans l’Alsace Lorraine fraîchement rendue à la France : Lalique bénéficie d’incitations financières et du soutien d’Alexandre Millerand, futur Président de la République, pour investir à Winger-sur-Moder et ouvrir la Verrerie d’Alsace en 1921 qui marque les esprits quatre ans plus tard à l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes à Paris. Réné Lalique négocie parfaitement le virage « Art déco » et les projets s’enchaînent : aménagements de paquebots, du Rond-Point des Champs-Elysées, de trains.

 

Marc et Marie-Claude : changements générationnels

A la mort de René Lalique en 1945, son fils prend la direction de l’entreprise et opère un changement radical de positionnement : le verre est abandonné au profit exclusif du cristal. Techniquement, il s’agit essentiellement d’ajouter 24% d’oxyde de plomb au minimum, mais cela permet d’abaisser le point de fusion, de faciliter sa taille, de le rendre plus solide et d’obtenir une transparence – et des contrastes avec les zones satinées - incomparable. Technicien aguerri, il modernise la fabrique pour faire de Lalique un acteur incontournable du cristal au niveau mondial. A son décès en 1977, sa fille Marie-Claude arrive à la tête de la firme. Elle veillera pendant 21 ans à poursuivre l’œuvre familiale – en enrichissant le bestiaire avec des animaux observé notamment en Afrique – tout en explorant de nouvelles pistes de croissance. Elle développe la création des parfums Lalique, introduit des couleurs dans les créations, et renoue avec la maroquinerie. N’ayant pas d’enfants, elle vend la société qui porte son nom au groupe Pochet, un mastodonte du packaging, en 1994. Peu d’informations circulent chez Lalique sur les années 1994-2008 aux mains de cette entreprise.

 

Silvio Denz : un entrepreneur à la barre

Silvio Denz rachète Lalique le jour de la Saint-Valentin en 2008. L’entrepreneur helvète s’est fait un nom en Suisse avec Aldoro. Il entre dans la firme familiale spécialisée dans l’importation de parfums et cosmétiques en 1980 – elle compte alors 8 employés - et revend en 2000 à Marionnaud : elle emploie alors 800 personnes et détient 120 parfumerie ! Collectionneur de parfums et de vins, il crée alors « Art et Fragrance » qui crée, produit et commercialise des parfums comme « Alain Delon », « Jaguar », « Bentley » ou Lalique. La firme devient cotée en bourse en 2007 et rachète Lalique dont elle prend le nom. Denz organise le développement de Lalique autour de 6 piliers : l’art, la décoration, le design d’intérieur, la joaillerie, les parfums et l’hospitality. Il ne s’agit plus de vendre du cristal, mais plutôt de l’associer à un savoir vivre. Toujours propriétaire de 72% des parts, il multiplie les investissements, les partenariats et les ouvertures, dont la villa Lalique avec le légendaire Jean-Georges Klein aux commandes, l’Hôtel Restaurant du Château Hochberg à Wingen-sur-Moder, l’Hôtel Restaurant Château Lafaurie-Peyraguey dans le Sauternes et 30 nouvelles boutiques dans les plus belles villes du monde, dont récemment Tokyo. L’Etat français ouvre même un Musée Lalique face au Château Hochberg. Les ventes et le cours en bourse suivent. Visiblement, une claire et un succès limpide.

Jean-Georges Klein : deux vies

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