Dans le film de Wong Kar-wai, des Shanghaïens exilés à Hong Kong découvrent qu’ils sont trompés par leurs conjoints et manquent leur histoire d’amour pour un rien. L’organisation de la première édition de la China International Import Expo (CIIE), semble ne rien vouloir laisser au hasard pour stimuler le commerce du pays en général et de Shanghai en particulier. Reportage à l’embouchure du Yang-Tsé-Kiang par Jérôme Bloch.
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Premières impressions
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Vue de Shanghai, l’Europe se situe loin à l’ouest et l’Amérique de Trump, à l’extrême droite. Avec ses 23 millions d’habitants, la première impression de la ville s’entend plus qu’elle ne se voit : les milliers de scooters arpentant les rues font résonner un silence assourdissant trahissant la propulsion essentiellement électrique des engins. Et il faut s’enfoncer dans les ruelles et les petites échoppes pour retrouver la rassurante musique de conversations dignes d’un café italien le jour d’un match du Calcio. Shanghai partage beaucoup de points communs avec New York : ses 131 tours de plus de 150 mètres donnent aux bâtiments normaux des allures de maisons de lilliputiens ; la Shanghai Tower culmine à 632 mètres, 2ème plus grande construction du monde. Son PIB vient de dépasser les 3 trillons de yuans en 2017, soit 469 milliards de dollars, une première pour une ville chinoise, et son port de containers, leader mondial, écrase le numéro deux mondial de 20%. Vues d’ici, les gesticulations de Trump prennent une autre perspective, et tenter de comprendre Shanghai en y passant seulement quelques jours donne le vertige.
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"Vue de Shanghai, l’Europe se situe loin à l’ouest et l’Amérique de Trump, à l’extrême droite."
Kaléidoscope
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A Shanghai, en dehors des hôtels de Luxe, vous trouverez plus facilement un chinois qui ne parle pas anglais que l’inverse. Et pourquoi pas ? Avec une population d’1,4 milliard de nationaux, le besoin de maîtriser la langue de Shakespeare - forte d’à peine 360 millions de natifs - ne semble pas impérieux. Si vous sortez des sentiers battus de la communauté ‘expat’ et des voyages organisés, préparez-vous donc à parler à des téléphones qui traduiront instantanément vos propos, puis à entendre la réponse de votre interlocuteur par une voix légèrement plus sophistiquée que celle de Stephen Hawking. Vu que vous chercherez plus souvent un restaurant qu’une explication sur la physique quantique, cela fonctionne très bien. Vous noterez au passage qu’une chinoise de 80 ans maîtrise souvent aussi bien son smartphone que son arrière-petite fille. Mais rapidement, vous découvrirez que les différences entre les chinois d’une part, et les européens ou américains de l’autre ne se limitent pas à des finesses linguistiques. Chacun voit le monde à travers un kaléidoscope très différent, où chaque facette a été formée par l’histoire, la culture, la religion, la doctrine, l’éducation, l’expérience et l’héritage familial. Mais gardez à l’esprit que deux Chinois nés dans des villes différentes auront parfois autant en commun que deux natifs de Barcelone et Helsinki ou Washington et Mexico ! Le véritable défi ici – et plus généralement entre l’Orient et l’Occident - n’est pas de communiquer : il s’agit surtout de réellement comprendre et se faire comprendre. Pour cela, un minimum de recherches s’impose.
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L’histoire de Shanghai
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Suite à la première guerre de l’Opium, le traité de Nankin en 1842 permit au Royaume-Uni d’établir une concession, rapidement suivie par les Etats-Unis et la France. La ville se développa à tel point que la concession française par exemple comptait en 1934 plus d’habitants que la ville de Lyon. En 1937, le Japon envahit la ville, perd la guerre – pensez à revoir « L’Empire du Soleil » - et Mao prend le contrôle de Shanghai en 1949 qui devra attendre 1976 et la politique « Portes ouvertes » de Deng Xiaoping pour renouer avec la croissance. Jiang Zemin, maire de la ville en 1985 devient secrétaire du parti de 1989 à 2002, ce qui contribua également à booster l’importance de la ville dans le domaine commercial et financier, via une politique ambitieuse d’investissements. L’ancien comptoir gravé dans les images sépia s’est transformé en épicentre économique de l’Asie.
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"Malgré l’énorme taille du marché Chinois, une ville comme Shanghai a résolument ancré son modèle au niveau mondial dont elle dépend largement."
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Le contexte économique
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Quelques chiffres clé : fin 2016, 580 sociétés internationales avaient établi leur QG à Shanghai. Le nombre de sociétés bénéficiant d’investissements étrangers représente seulement 2% du nombre total d’entreprises, mais contribue pour 27% du PIB, 65% de l’import-export et 20% des emplois. Côté recherche, les Etats-Unis à eux-seuls comptent 109 centres, dont ceux de GE, Dupont ou Unilever. Ces chiffres illustrent un paradoxe : malgré l’énorme taille du marché Chinois, une ville comme Shanghai a résolument ancré son modèle au niveau mondial dont elle dépend largement. Comme le Président Xi Jinping l’a rappelé dans son discours, “L’ouverture et la coopération vont demeurer essentiels pour le progrès humain”. Aucune surprise donc, de voir la ville procéder constamment à des simplifications administratives pour aider les entreprises à s’établir sur place. Mais avec l’organisation du premier CIIE, la ville – et le pays – passent à la dimension supérieure.
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CIIE
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Des bâtiments comme le musée Getty à Los Angeles ou le Mudam au Grand-Duché ont en commun de rivaliser avec les œuvres qu’ils abritent. Que penser alors du National Exhibition and Convention Centre où le Président Xi Jinping a choisi d’organiser la China International Import Expo : 400.000 mètres carrés couverts organisés sous la forme d’une fleur à 4 pétales où les hangars géants s’empilent sur deux étages. Les dizaines de milliers de visiteurs circulent très facilement grâce à un ingénieux système de couloirs. Imaginez au même endroit et le même jour le salon de l’automobile de Genève, le salon de l’agriculture de Paris, le CES de Las Vegas et l’exposition universelle. Nike ou Facebook exposent lors du même évènement que Cargolux, Samsung, la communauté européenne et des vendeurs de crèmes pour le visage. Un mélange hétéroclite également visible dans la foule des visiteurs. “Quel est le sens de cet événement ?” Il m’aura fallu quelques dim-sums avec des amis pour trouver la comparaison la plus convaincante à nos yeux : le CIIE est aujourd’hui à Pékin ce que le lobbying est à Washington. Le pays compte ses amis, établit des canaux privilégiés pour séduire les entreprises et fait passer son propre message : “A new era, shared future”. (Une nouvelle ère, un future partagé, ndlr). Et il faut dire qu’à force d’entendre un Président américain agressif et sectaire, une telle initiative a le mérite de chercher à rassembler. Comme un fin connaisseur du pays me le rappelait récemment, un “réalisme magique” s’observe souvent en Chine : vous ne savez pas pourquoi certains objectifs sont atteints, mais ils sont tout de même atteints. Clairement, le pari de ce premier CIIE a été réussi sous la forme d’un solide tour de force. A suivre.
Shanghai : In the mood for business
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